Question que je me suis posé, à l'époque, et j'étais presque optimiste. Je pense que c'est l'effet nouveauté qui biaise un peu notre jugement sur ce mode de transport, car au final, avec du recul aujourd'hui, je ne vois pas plus de monoroue que cela.
Plusieurs freins socio-technico-juridiques limitent une évolution vers un marché de masse :
- l'apprentissage, et le style atypique de ne pas avoir de main pour guider l'engin, ce qui est unique et intègre la gyroroue dans toutes ces pratiques de glisse urbaine (skate, roller, surf…) qui vont décourager automatiquement un certain nombre de personnes, car elles ont automatiquement moins d'appétence, culturelle ou sociale, sur ce type de transport. Cela demande une proprioception particulaire (pas très différente in fine, mais quand même), et voilà comment on perd déjà un % pas négligeable de la classe moyenne.
- le prix, on est pas sur des sommes abordables, contrairement au vélo, trotinette qui peuvent exister sans être éléctrique. Moins d'accessibilité pour les jeunes, les foyers les + modestes, etc.
- le poids, franchement c'est l'un des plus gros freins techniques aujourd'hui. On perd quasi 90% du public féminin à cause de cela (et surement une bonne partie des hommes…). Il n'est pas possible d'imaginer une roue avec un minimum de performance et d'autonomie sans faire quasi 20 kilos. et il y a irrémédiablement des moments où il faut la soulever. C'est chiant. Le jour où on sera capable de faire la même perf, à 10kg de poids total au lieu des 20 kg d'aujourd'hui, on aura une sacré différence d'usage.
- la juridiction, la France n'aide pas assez aujourd'hui ces engins à se développer. On nous bassine à coup de greenwashing d'un côté, sans rien faire pour dégorger les centre-ville de voitures, en limitant au maximum les engins dans des limites bridantes et infantilisantes (25km/h max, bridé, pourtant on ne bride pas les voitures à 130km/h, incohérence). Il faut une assurance, et donc nécessairement, on préférera encore un vélo, ou un engin qui n'a pas autant de restriction. On ne bride pas un vélo à 25km/h, pourtant on voit tous, tout les jours, des cyclistes furieux qui déboulent à 40km/h sans jamais freiner. Et jamais un flic n'ira arrêter ces cyclistes.
- la sécurité. Notre sécurité dépend d'une carte mère, de pièces électroniques, sans redondance. En cas de défaillance, mise en danger immédiate du pilote. Encore une limite technique, le jour où on sera capable de faire de la redondance, sans rajouter 10kg supplémentaire, alors peut être que l'engin sera démocratisable, en attendant, non.
- sécurité perçue et peur, comme la moto, on imagine ces engins avec un facteur risque très important, très casse gueule, etc. Et on aura toujours cette étiquette dans la tronche. L'âge médian c'est 40 piges (population vieillissante), donc ça implique tout de même beaucoup beaucoup de personnes qui n'ont pas envie de se retrouver avec une fracture ou de gros pb de santé à la moindre chute.
Cela fait 4 ans que je suis l'évolution technique de la gyroroue, et aucune innovation majeure n'a été faite. Franchement on a eu quoi récemment ? Les amortisseurs ? Toujours plus de batterie ? Rien n'a permis d'alléger considérablement le poids, de sécuriser beaucoup plus le pilote, etc... Bien sûr, le progrès est lié au marché et à l'investissement, mais c'est le serpent qui se mord la queue, car sans financement, il n'y aura pas vraiment de développement massif d'ici là.
- production locale, alors bien sûr dans une ère ou l'on préfère favoriser un process de production au plus proche du pays pour son indépendance, la monoroue éléctrique est très loin de cette éthique. Automatiquement, si on produit des roues made in France, made in europe, made in USA… le prix passe du simple au triple, prix déjà exorbitant. Donc comme les vêtements, on est obligé de délocaliser le système.
A l'usage, nous avons donc des moyens de transport historique bien plus robuste, fiable, abordable, moins gadget que la monoroue éléctrique, qui aujourd'hui n'est qu'un bébé à l'échelle de la révolution numérique que nous vivons.
Autre élément, regardez votre entourage, avez-vous réussi à convertir beaucoup de gens à l'usage ? Perso, personne. Oui on a des curieux qui pose des questions, mais au final on retombe sur 2 usages principaux : le plaisir de la roudonnée, ou l'usage très fonctionnel et spécifique (comme par exemple pour mon cas, pouvoir ranger l'engin dans un casier, escalader une côte raide sans forcer…).
Donc clairement, marché de niche, je ne suis pas sûr que à terme je conserve ce mode, si je déménage en campagne, je n'en aurais quasi plus aucune utilité (peut être quelques promenades en roue, mais ça restera très rare).
AMHA, on a de sérieuses avancées à faire sur le plan technique - poids - sécurité - performance - prix. Si on améliore ces critères significativement, alors on aura naturellement plus d'utilisateurs...